En 2018, le Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO) soulignait que le choix des langues vivantes chez les collégiens français était représentatif d’inégalités territoriales et le signe d’une différenciation sociale, les langues « rares » étant plébiscitées par les catégories socioprofessionnelles les plus élevées. Si cette tendance est observable à l’échelle nationale, en est-il de même localement ? Éléments de réponse avec la métropole de Rennes.

Comment assurer l’égalité des chances entre les collégiens ? C’est la question sur laquelle le département d’Ille-et-Vilaine travaille actuellement à travers la refonte de la carte scolaire pour la rentrée 2024. L’objectif est d’assurer un équilibre des effectifs au sein des collèges publics rennais et de favoriser la mixité sociale et scolaire des petits brétilliens. Face à l’inégalité des chances présentes nationalement, l’accès à l’apprentissage des langues vivantes devient un enjeu à part. État des lieux de l’offre et du choix des langues dans les collèges de la métropole rennaise.

Dans la métropole de Rennes, des disparités persistantes entre collèges publics et privés

Mis en place par le ministère de l’Éducation nationale, l’indice de position sociale (IPS) est un outil statistique qui résume les conditions sociales, économiques et culturelles de chaque établissement à partir des professions des parents d’élèves. Compris sur une échelle de 45 à 185, l’IPS rend compte des conditions d’apprentissage et du niveau de mixité sociale, et se trouve souvent corrélé aux performances au brevet.

En ce qui concerne la région Bretagne, son indice de position sociale (105,8) est plus élevé que la moyenne nationale (104,2). Mais ces données passent sous silence un certain degré de disparités sociales entre les collèges de cette région. En atteste la carte représentant les différences d’IPS entre collèges publics et privés de Rennes métropole, en Ille-et-Vilaine.

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Sur les 34 établissements étudiés, pour l’année scolaire 2021-2022 les collèges privés ont en moyenne un IPS supérieur (124,1) à celui des établissements publics (106,4). Un seul collège privé a un indice de position sociale inférieure à 90, alors que quatre collèges publics sont concernés par ce résultat : une situation locale cohérente avec les observations nationales, donc. La répartition du nombre d’élèves en fonction du type de collège et leur IPS le confirme par ailleurs.

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Sans faire exception au constat du Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO), cette surreprésentation des familles des catégories socioprofessionnelles supérieures dans l’enseignement privé en comparaison à la sous-représentation des familles à l’IPS plus faible reflète un manque de mixité sociale au sein des établissements de la métropole de Rennes.

Mais le choix et l’offre des langues sont-ils représentatifs de ces disparités ?

Des disparités sociales peu visibles dans l’offre des langues vivantes

À l’échelle nationale, l’académie de Rennes se distingue par une offre globale de langues vivantes plutôt diversifiée : le CNESCO la classe parmi les « bons élèves », avec des établissements proposant dans la grande majorité plus de deux langues vivantes. En effet, tous les établissements proposent entre trois et cinq langues, à l’exception de l’un d’entre eux - le collège public Jean Moulin de Saint-Jacques-de-la-Lande - où les collégiens n’ont pas d’autre choix que d’apprendre l’anglais et l’allemand. En revanche, il n’y a pas de différence notable dans l’offre de langues vivantes entre les collèges publics et privés, ils ont tous les deux une moyenne de 3,5 langues proposées.

Une diversité d’offre ancrée territorialement

Dans cette métropole, on retrouve un clivage territorial entre Rennes et sa périphérie. Alors que la moyenne de langues proposées dans la ville est de 3,8, sa périphérie présente une moyenne inférieure (3,2). La ville concentre tous les établissements proposant l’enseignement de cinq langues vivantes. Cette disparité notable entre le centre-ville et la périphérie a déjà été étudiée : selon Marie Duru-Bellat, sociologue spécialiste des questions d'éducation, « les cadres se concentrent dans les grandes villes, donc leurs enfants aussi ». Sans parler de « ségrégation spatiale » concernant ce type d’offre, la différenciation entre les deux zones constitue d’ores et déjà un indice d’un ancrage territorial. Ainsi, les élèves du centre-ville bénéficient tendanciellement d’une offre plus large, signe d’une relative inégalité entre ces territoires rennais.